Santé sexuelle de reproduction dans les couples au Bénin : Le désarroi des femmes face aux tabous et secrets

Santé sexuelle de reproduction dans les couples au Bénin : Le désarroi des femmes face aux tabous et secrets

septembre 28, 2023 0 Par Le pouce

Il existe des sujets qui ne font presque jamais objet de conversation dans les couples. Le sexe étant longtemps considéré comme tabou, la plupart des partenaires n’en discutent pas. De peurs de décevoir, de blesser ou d’être mal perçus, les conjoints restent ensemble mais font sembler d’apprécier les moments intimes. Incapables d’exprimer réellement leurs émotions et inconforts, les femmes vivent soit dans le passé, dans le regret, dans le remord ou dans l’expectative.

Dorice DJETON
Liliane K., la trentaine révolue. Mariée depuis 6 ans, elle peine à éprouver le moindre plaisir sexuel. Et pourtant, elle est mère de deux garçons. Ses relations intimes ont toujours été une formalité, un devoir conjugal rempli envers son mari pour honorer le contrat du mariage. « Chaque rapport sexuel est un cauchemar pour moi. Je n’ai jamais ressenti ce que les femmes appellent orgasme, je fais semblant de jouir pour faire plaisir à mon époux », confie, la jeune femme. Violée à l’âge de 14 ans alors qu’elle allait apporter à manger à ses frères aux champs, elle a gardé cet horrible secret sans jamais pouvoir se soulager, ni se faire accompagner. Aujourd’hui adulte, elle traine les séquelles jusque dans l’intimité de son foyer. « Je ne voudrais pas offenser mon époux. S’il savait que j’ai été violée, peut-être qu’il ne m’aurait pas épousé ». Comme cette jeune dame et dans beaucoup de foyer, les tabous et secrets constituent des poids trop lourds à porter mais que trainent des partenaires au nom de l’amour, de la décence, de la pudeur. En effet, les questions liées à la santé sexuelle selon L’OMS sont très variées et englobent l’orientation sexuelle et l’identité de genre, l’expression sexuelle, les relations et le plaisir. Elles ont également trait à des éléments néfastes ou à des pathologies telles que : les grossesses non désirées et l’avortement, les dysfonctionnements sexuels, la violence sexuelle et bien d’autres pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines. La santé reproductive implique donc que toute personne peut avoir une vie sexuelle responsable, satisfaisante, et sûre et qu’elle a la capacité de se reproduire et la liberté de choisir d’avoir des enfants si elle le souhaite et quand elle le désire. Mais, la réalité est toute autre. Selon Christine Reynaert, auteure de l’article intitulé ‘’Le patient avec des troubles sexuelles’’, Il apparaît que les dysfonctions sexuelles sont très fréquentes et souvent corrélées à une baisse de la qualité de vie. Une étude concernant 11 000 patients de 16 à 44 ans, a montré que 2 femmes sur 5 et 1 homme sur 4 souffrent de dysfonction sexuelle. Seulement 30 à 20 % des femmes et 10 à 20 % des hommes ont osé en parler à leur médecin généraliste et seulement 3 % de ces femmes et 4 % de ces hommes ont reçu une proposition de prise en charge. Une autre étude évalue la prévalence des dysfonctions sexuelles de 10 à 52 % chez les hommes et de 25 à 63 % chez les femmes.

Incapables d’exprimer réellement leurs émotions et inconforts,

Quid des troubles sexuelles…
Absence d’orgasme, frigidité, séquelles du viol, ménopause précoce, avortement clandestin, grossesses tardives, insatisfaction sexuelle, infertilité : représentent autant de sujets tabous dans les couples. L’évocation de ces questions suscite appréhensions et inspire méfiance. En effet, les relations intimes sont vécues avec beaucoup trop de pudeur au point où les partenaires qui sont sensés s’exprimer afin d’améliorer leur vie de couple au fil du temps, se résignent et pensent que c’est la norme. Et, ce sont les femmes qui payent le lourd tribu. Le Psychologue Fortuné Houénou, reconnait que beaucoup de couples vivent les troubles liés à la sexualité et que ces derniers ont un grand impact sur les couples. Cela peut aller de l’infidélité du partenaire peu satisfait jusqu’au divorce. Maman Géo du haut de ses 37 ans et mère de 4 enfants, a dû avorter clandestinement quand elle s’est retrouvée enceinte alors qu’elle avait un bébé de 7 mois sur les bras. Voyant la situation économique de son mari qui arrivait à peine à subvenir aux besoins de la famille, elle a fait le nécessaire pour préserver la paix, nous a-t-elle confié. « L’avortement est encore tabou et je ne pouvais en parler avec mon mari. D’ailleurs, nous n’évoquons presque jamais la sexualité dans nos conversations. Un bébé de 7 mois, une nouvelle grossesse, 3 autres enfants à nourrir…et mon époux qui n’est pas enclin au dialogue…j’ai choisi pour nous dans le silence absolu… », assume-t-elle. Ainsi, les récits de femmes vivant un inconfort sexuel, ou une relation de couple délicate en lien avec la santé reproductive, laissent entrevoir la difficulté qu’elles ont à vivre une sexualité épanouie. « Le silence qui entoure les tabous sexuels est tout aussi destructeur que les violences physiques que subissent les femmes », estiment Ahotonagnon Genéviève, assistante communautaire sur les questions de DSSR et de PF.

…la santé sexuelle est fondamentale pour le bien-être général des personnes, des couples et des familles

Briser le silence et se faire accompagner…
Les tabous liés aux questions reproductives brisent les femmes dans leur for intérieur et leur ôtent toute personnalité alors que la santé sexuelle est fondamentale pour le bien-être général des personnes, des couples et des familles, ainsi que pour le développement social et économique des communautés et des pays. Selon l’OMS, la santé sexuelle…s’entend comme une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que comme la possibilité de vivre des expériences sexuelles agréables et sûres, exemptes de coercition, de discrimination et de violence. Il est donc important pour les partenaires de se faire accompagner par les spécialistes pour surmonter les difficultés liées au dialogue autour du sexe et les sujets connexes. Asmine Olympio, spécialiste en Santé Sexuelle de Reproduction et Animatrice Communautaire sur la Gestion de l’Hygiène Menstruelle recommande aux femmes de briser le silence afin de vivre pleinement leur sexualité. Mieux, elle met l’accent sur la nécessité d’éduquer les garçons dès la puberté sur les questions taboues afin de les préparer à les affronter à l’âge adulte. Un conseil appuyé par la Coach Johanne Fanou, consultante en Genre et famille, Experte des Questions de Couple. Elle soutient : l’éducation à la sexualité responsable de l’adolescent, la formation à la Sexualité satisfaisante des fiancés et enfin, une approche de connaissance de soi et de sa physiologie sont les trois attitudes que nous pouvons recommander prioritairement, pour favoriser une relation de couple sans tabous, dans le domaine de la Sexualité.

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