Tout sur la « guerre des saucisses » qui oppose le Royaume-Uni à l’Union européenne

Tout sur la « guerre des saucisses » qui oppose le Royaume-Uni à l’Union européenne

juin 14, 2021 0 Par Le pouce avec Afp

Les conséquences du Brexit sur l’Irlande du Nord ont resurgi ces derniers jours, sur fond de débats sur l’importation de viande britannique hors de l’Union européenne.

Quand la saucisse de Toulouse s’invite dans des discussions tendues entre Emmanuel Macron et Boris Johnson : c’est là l’une des conséquences insolites du Brexit. Ces derniers jours, de nouvelles normes de sécurité alimentaire européenne ont remis en lumière la délicate question de la place de l’Irlande du Nord dans l’accord avec l’Union européenne.

En cause : les divergences entre Londres et les Européens sur les nouveaux contrôles imposés à certains échanges entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, nation constitutive du pays se trouvant de l’autre côté de la mer d’Irlande.

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De nouvelles normes européennes de sécurité alimentaire vont entrer en vigueur à partir du 1er juillet, et concernent notamment l’exportation de viande britannique vers l’Union européenne. A partir de cette date, toute importation de viande crue depuis des pays hors UE sera interdite, à moins qu’elle ne soit congelée à -18 °C.

« Il n’y a aucun problème avec nos saucisses »

« Dingue », selon George Eustice, secrétaire d’État britannique à l’Environnement, qui s’est interrogé sur le bien-fondé de cette interdiction. « Je soupçonne que ce soit lié à une idée qu’ils [l’Union européenne] ne font confiance à aucun autre pays que ceux de l’UE pour faire des saucisses », a-t-il confié auprès d’un podcast britannique.

Un « non-sens », puisque le Royaume-Uni a selon lui une « très bonne industrie de la saucisse » et qu’il n’y aurait « aucun problème avec nos saucisses, ni avec nos nuggets de poulet d’ailleurs ».

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Le ministre du Brexit, David Frost, a quant à lui demandé mercredi à Bruxelles de faire de pragmatisme et de « bon sens ». Sans succès pour l’instant.

Face à la situation, certains médias britanniques n’hésitent plus à parler d’une « guerre des saucisses ».

Un accrochage avec Macron

Les discussions se seraient tendues entre le Premier ministre Boris Johnson et Emmanuel Macron lorsque le sujet a été évoqué entre eux samedi dans le cadre d’entretiens pendant le G7. Selon l’entourage du président français cité par l’AFP, le Premier ministre britannique lui a dit : « A Toulouse, il y a des saucisses, non ? Et bien c’est comme si les saucisses ne pouvaient plus être vendues sur les marchés parisiens. »

« Macron a été étonné, et lui a dit qu’il n’était pas convenable de comparer des situations qui n’étaient pas comparables car Toulouse faisait partie du même territoire alors que ce n’est pas le cas de l’Irlande puisqu’il y a une mer entre eux », a précisé la même source.

Selon le « Times » et le « Telegraph », le président français aurait rejeté la comparaison du dirigeant britannique en expliquant que « Paris et Toulouse font partie du même pays ».

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Le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a de son côté jugé « insultant » que de « très hauts responsables de l’UE qui parlent de l’Irlande du Nord comme si c’était un pays distinct du Royaume-Uni » : « Vous vous imaginez si on parlait de la Catalogne, de la partie flamande de la Belgique, d’un Land allemand, de l’Italie du Nord, de la Corse pour la France comme de pays différents ? Il faut un peu de respect. »

« La France ne s’est jamais permis de remettre en cause la souveraineté britannique », a tenté de tempérer Emmanuel Macron face à la presse à la fin du G7. « Que tout le monde revienne à la raison », a-t-il appelé.

L’exception nord-irlandaise au cœur des tensions

La polémique, si étrange puisse-t-elle paraître, vient en fait remettre en lumière la complexe situation de l’Irlande du Nord et du « protocole nord-irlandais ». Sujet de fortes tensions entre Londres et Bruxelles, il établit que l’Irlande du Nord, pourtant partie intégrante du Royaume-Uni bien que séparée par une mer, reste dans le marché commun après le Brexit.

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Mais ces nouvelles dispositions, censées préserver la paix dans la province en évitant le retour d’une frontière dure avec la République d’Irlande voisine (qui est, elle, membre de l’UE), sont venues perturber les approvisionnements. La « guerre des saucisses » en est devenue un symbole : les citoyens d’Irlande du Nord, bien que citoyens britanniques, ne peuvent ainsi plus trouver de viande britannique dans leur boucherie ou leurs supermarchés, sauf si elle est surgelée.

Ces dispositions ont notamment été dénoncées par les unionistes comme une frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, et une trahison de la part de Londres. En avril dernier, elles avaient causé un regain de violences en Irlande du Nord.

Londres a accusé Bruxelles d’adopter une « approche trop puriste » sur l’application du protocole nord-irlandais. Mais face à ces tentatives d’assouplir les règles unilatéralement, l’UE reste pour l’instant droite dans ses bottes. Elle a signifié qu’elle n’hésiterait pas à prendre des mesures de rétorsion, comme des droits de douanes ciblés. En retour, Boris Johnson a menacé samedi à la télévision britannique d’invoquer l’article 16 du « protocole nord-irlandais », permettant de passer outre certaines dispositions du texte.

L’Obs

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