Dupond-Moretti formellement visé par une enquête judiciaire : le début de la fin?

Dupond-Moretti formellement visé par une enquête judiciaire : le début de la fin?

juillet 1, 2021 0 Par Le pouce avec Afp

Cette nouvelle étape procédurale, annoncée à l’AFP par le parquet général près la Cour de cassation, était attendue mais pourrait fragiliser la position du ministre, dont la nomination surprise en juillet avait été accueillie comme une “déclaration de guerre” par les syndicats de magistrats.

L’enquête ouverte pour “prise illégale d’intérêts” – menée par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger des ministres – fait suite aux plaintes déposées en décembre par trois syndicats (Union syndicale des magistrats, Syndicat de la magistrature, Unité magistrats SNM FO) et l’association Anticor.

“Je n’ai rien à craindre”, a réagi mercredi M. Dupond-Moretti en marge d’un débat sur la justice des mineurs au Sénat.

“Si l’objectif de tout cela, comme c’est d’ores et déjà exprimé par certains, c’est de m’interdire de travailler, ceux-là en seront pour leurs frais”, a-t-il prévenu, se disant “totalement serein”.

Au coeur des accusations figure l’enquête administrative ordonnée par le ministre en septembre contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient participé à une enquête préliminaire visant à identifier la taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute.

Pendant six ans d’investigations, des facturations téléphoniques détaillées de plusieurs pénalistes, dont celles du futur ministre, avaient été épluchées. Encore avocat, M. Dupond-Moretti avait dénoncé des “méthodes de barbouzes”.

Face à la polémique, une inspection générale diligentée par sa prédécesseure place Vendôme, Nicole Belloubet, avait globalement dédouané le PNF.

Les syndicats reprochent aussi au ministre Dupond-Moretti d’avoir ouvert une autre enquête administrative à l’encontre du magistrat Edouard Levrault. Après la cessation de ses fonctions comme juge d’instruction à Monaco, ce dernier avait dénoncé des pressions dans le cadre de ses enquêtes.

Avant de devenir ministre, M. Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un policier mis en examen par ce magistrat et avait critiqué les méthodes du juge.

Pas de “guéguerre”

Récusant toute “guéguerre” avec le ministre, la présidente du Syndicat de la magistrature (gauche) Katia Dubreuil a salué l’ouverture de l’enquête sur une question qui touche à des “principes démocratiques fondamentaux”.

“Nous avons utilisé toutes les voies institutionnelles pour alerter sur le problème démocratique. On a voulu discuter avec le Premier ministre, avec le président, on a eu pour seule réponse +on lui fait confiance+. On a utilisé la seule voie de recours qui nous restait”, a-t-elle assuré à l’AFP. “Cette situation ne pouvait pas être laissée en état”.

“J’ai suivi les recommandations de mon administration, je le démontrerai”, a rétorqué mercredi Eric Dupond-Moretti au Sénat, en promettant une réponse “ultérieurement sans doute plus complète, très complète”.

Son entourage a pour sa part estimé que l’hypothèse d’une mise en examen “n’est pas du tout d’actualité”.

“Nous allons transmettre à la commission de l’instruction tous les éléments qui démontrent que les décisions qui font l’objet de cette enquête s’inscrivent dans une chaîne dans laquelle les magistrats des services de la direction judiciaire sont présents à toutes les étapes”, a renchéri un de ses avocats, Christophe Ingrain.

“Le ministre ne fait que suivre les recommandations de ces magistrats”, a ajouté Me Ingrain.

Dès lundi, le gouvernement avait dit “prendre acte” de l’ouverture imminente d’une enquête visant le garde des Sceaux.

Hasard du calendrier, Libération et Le Canard enchaîné ont révélé mercredi qu’un autre ministre, Sébastien Lecornu (Outre-Mer), faisait lui aussi l’objet d’une enquête pour “prise illégale d’intérêts”, une information confirmée à l’AFP de source judiciaire, pour ses activités passées à la tête du département de l’Eure et d’une société autoroutière.

“Faire l’objet d’une enquête ne veut pas dire être coupable, il y a la présomption d’innocence qui s’applique évidemment dans notre pays”, a réagi mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

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