Marchés de proximités dans la commune d’Abomey-Calavi : la mairie démissionne, les vendeuses se démerdent

Marchés de proximités dans la commune d’Abomey-Calavi : la mairie démissionne, les vendeuses se démerdent

novembre 25, 2022 0 Par Le pouce

Vivre dans un environnement sain qui ne compromette pas à la santé humaine est la chose mieux souhaitée par tous. Au Bénin, le volet de l’assainissement dans certains marchés n’est pas encore effectif. C’est le cas des marchés de Calavi-Tokpa et de Godomey dans la commune d’Abomey-Calavi dans lesquels nous menons notre reportage.

Mercredi 14 septembre 2022. 14h05. Nous sommes dans le marché de Calavi-Tokpa dans la zone où l’on retrouve en majorité des vendeuses de poissons et autres. Le sol en terre noire est pétri de boue ; des eaux pluvieuses stagnantes çà et là et des sachets plastiques qui dictent leurs lois d’une part. Des tas d’ordures regroupés en maîtres des lieux dégageaient une odeur nauséabonde d’autre part. Sur les étalages, des mouches tournoient sans cesse alors que femmes et enfants cohabitent ces lieux. Emilienne, une cliente retrouvée en train de faire ses emplettes se plaint de l’état actuel des lieux. « Ce marché manque vraiment d’entretien », dénonce-t-elle. « Ce qui semble être étonnant c’est que le marché est rempli de femmes mais rien n’est propre pour permettre aux clients que nous sommes de nous sentir fiers quand nous venons faire nos achats », signale Edwige, une autre cliente.

Ce constat révèle l’état dans lequel végètent les marchés dans la commune. Parallèlement, pour Acakpo, un client croisé dans le marché de Godomey, le constat reste le même. « Le cadre n’est pas du tout propre mais nous sommes obligés de faire avec. Et, même sur les étalages, rien n’est protégé avec la présence des mouches », explique-t-il. « Comme vous pouvez le constater, les ordures sont dispersées un peu partout dans le marché. Ce n’est pas vraiment bien de vivre dans ces conditions », dit-il en poursuivant. En réalité, il se pose une véritable énigme autour de l’hygiène tant au niveau du marché de Godomey que celui de Calavi-tokpa. Toutefois, il faut dire que de nombreux efforts sont consentis par les vendeuses pour la protection de leur environnement.

La question cruciale

Le désintérêt des autorités municipales quant à l’assainissement du marché montre à suffisance la réalité sur l’état des marchés. Dame Claire Rose Atalocodjou, gestionnaire du marché de godomey déplore l’absence de regard des autorités municipales. A l’entendre, « j’ai plusieurs fois saisi les autorités mais c’est le statut quo ». Ce que confirme Marc Toklo (non d’emprunt), un responsable de la mairie qui requiert l’anonymat. Ce dernier explique que «  la mairie ne joue aucun rôle dans l’assainissement des marchés. Seules les femmes s’organisent pour maintenir le cadre un peu propre ». Il confirme qu’aucune structure n’est recrutée pour s’occuper de l’entretien du marché. Ne pouvant végéter dans l’insalubrité criarde, les femmes des marchés trouvent leur solution. « Tous les samedis à partir de 7 heures nous les femmes écailleuses de poissons, nous nous réunissons pour faire le nettoyage des lieux. Hormis ce jour, chacun essai de balayer son emplacement pour garder le marché propre », clarifie Sadikath Houssou, écailleuse de poisson au niveau du marché de Calavi-Tokpa. « Nous nous sensibilisons les unes et les autres par moment à ne pas verser de l’eau au sol, puisqu’auparavant, certaines avaient cette habitude », ajoute-t-elle. Selon ces propos recueillis, les femmes écailleuses ont conscience de leur implication dans l’assainissement de leur milieu de vie.

Alors, pour montrer que le balayage n’est le seul moyen mis en jeu pour assainir le marché, Irène une autre vendeuse de poisson confie que « Grâce au bureau mis en place par les femmes du marché, nous prenons une cotisation de 100f CFA chez les environ 195 femmes vendeuses du marché. Ceci nous permet de nous approvisionner des balais et du sable pour le remblayage des voies afin de les rendre praticables». En vue de les aider dans cette tâche, Claire Rose Atalocodjou, gestionnaire dudit marché raconte qu’elle ne reste pas insensible malgré l’absence de ressources financières suffisantes. « Il m’est déjà arrivée plusieurs fois de subventionner à hauteur de 2000f CFA à 5000f CFA des personnes extérieures pour le désherbage des alentours du marché ».

Mais, bien que tous ces efforts soient faits, ces femmes continuent à faire face à de nombreuses difficultés. Des difficultés inhérentes à la démission des autorités municipales.

L’autre paire de manche

Les infrastructures disponibles dans les marchés de godomey et de Calavi Kpota sont exiguës et ne facilitent guère l’aération pour un bon entretien. Selon Marc Toklo, « il n’y a pas eu une étude environnementale avant la mise en place de ces marchés. Ce qui crée ces problèmes d’assainissement ». Dame Irène, écailleuse explique « Moi par exemple, ce parasol sous lequel vous me voyez, je l’ai loué à 200f CFA. Sans quoi je serai totalement au soleil avec ma petite fille. Nous n’avons pas d’abris et avec la saison des pluies, c’est plus que compliqué. Nous ne pouvons non plus rester avec les autres vendeuses de l’autre côté car celles-ci se plaignent sans cesse des odeurs de poissons. Il faut juste dire que nous sommes laissées à notre sort », se lamente dame Irène. En effet, elle n’est pas la seule à se plaindre des conditions dans lesquelles elles vivent. Malgré cette situation, les femmes ne baissent pas les bras. Néanmoins, elles n’arrivent pas à donner une belle attirance à cet environnement dans lequel, elles exercent leurs activités.

Dans le marché de Godomey par exemple, les difficultés relèvent de la réticence observée dans le rang de certaines commerçantes et d’une guerre de leadership permanente. « Dans ce marché dont je suis la seule garante, il y a deux camps. Ce qui fait que certaines femmes refusent de participer aux séances de nettoyage », explique la gestionnaire du marché, Claire Rose Atalocodjou. Denis Houyemey, conseillère du bureau de l’Union Inter Communales des Mareyeurs et Transformatrices de Poissons Uc-MaTramp au marché de Calavi-tokpa dira aussi que « il arrive des jours où certaines femmes sont très réticentes. Elles ne veulent pas participer aux séances de nettoyage et préfèrent venir au marché après qu’on ait fini de balayer les lieux ». Là, elle précise, « elles payent une somme de 100f pour amande ». Claire Rose Atalocodjou reste confiante que « si ce n’était pas ces cas de divergences, elles pourront mieux s’organiser malgré que la mairie ne joue aucune rôle ». Pis, elle souligne que « Jusqu’à présent, nous n’avons jamais rien eu comme soutien de nos chef quartiers». Marc Toklo explique entre autre que « le marché de Calavi-tokpa est un marché très restreint. Nous avons longtemps réfléchi sur comment aménager les lieux avec la construction de boutiques, des toilettes mais aucune solution hormis les hangars construits pour quelques-unes. Nous ne pouvons non plus les délocaliser sans avoir eu au préalable un autre emplacement pour elles ». C’est donc un casse-tête pour les autorités de focaliser leur attention sur l’assainissement de ces marchés puisqu’aucun financement n’est débloqué pour régler la situation. Marc Toklo confirme « nous n’avons aucun financement parallèle. Pour cela, il faut collecter des fonds chez les dames pour gérer cette question d’assainissement. Nos actions sont très limitées ». Toutefois, il rassure que « nous avons un projet en cours qui prendra compte de l’assainissement de ce marché et autres. Face à ces anicroches, la santé de plus d’un est mis en danger ».

Des conséquences aux pistes de solution

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 12,6 millions de personnes sont décédées en 2012 du fait d’avoir vécu dans un environnement insalubre. De plus, les facteurs de risques environnementaux, tels que la pollution de l’air, des sols et des eaux sont à la base de nombreuses maladies. C’est sur ce statistique que Audrey Raïssa Boni, médecin généraliste et juriste en droit privé explique : « Dans un environnement où on retrouve des tas d’ordures, les mouches transportent facilement des gènes vers les aliments et ceci peut entrainer des infections, le cancer ». En effet, l’importance de la salubrité n’est plus à démontrer car, le bien-être de la population passe d’abord par l’hygiène de l’environnement. Selon la même source, les enfants et les personnes âgées seraient plus exposés à d’autres pathologies comme les maladies diarrhéiques; des affections des voies respiratoires et des maladies cardiovasculaires.

La pollution sonore selon Audrey serait responsable des : « hypertensions artériels liés aux stresses quotidiens que subissent ces commerçants et commerçantes ». En revanche, ces dernières ne restent pas silencieuses. Elles demandent un soutien de la part des autorités communales aussi que gouvernementales. « Si nous pouvons bénéficier de l’appui techniques et financiers des autorités, grande serait notre joie », s’exclame Sadikath Houssou. En réalité, même si l’implication de ces femmes est une piste pour maintenir leur environnement sain, un soutien des représentants de la mairie et acteurs du gouvernement s’avère indispensable. Selon la constitution béninoise du 11 décembre 1990 en son article 27, il est stipule que ‘’ le droit à un environnement sain est un inhérent à tous les êtres humains’’ alors que certains marchés sont encore dans cet état. Aussi, bien que la loi n° 2022-04 du 16 Février 2022 portant hygiène publique au Bénin vise à participer à l’amélioration de la santé des populations et de la qualité du cadre de vie, les actions semblent ne pas bouger véritablement. A cet effet, au-delà des projets prévus pour l’aménagement des marchés du Bénin dans le grand Nokoué, des séances de sensibilisations à l’endroits des femmes des deux marchés reste une option pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). Pour ce qui est de leur santé, il urge qu’une prise en charge leur soit accordée afin qu’elles fassent des bilans par trimestre. Par rapport au volet infrastructure, il est urgent que des toilettes sanitaires et adéquates soient construites ; le gouvernement doit penser à s’investir dans le combat pour l’amélioration des indicateurs du sous-secteur de l’Hygiène et de l’Assainissement de Base (HAB).

Sonia DJAKPA

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