Difficultés d’accès aux centres de planification familiale : Des actions de proximité qui soulagent les communautés rurales de Toffo

Difficultés d’accès aux centres de planification familiale : Des actions de proximité qui soulagent les communautés rurales de Toffo

septembre 26, 2022 0 Par Dorice Djeton

L’accès aux établissements sanitaires en matière de planification familiale est un véritable parcours de combattant en milieu rural. Et pour cause, plusieurs kilomètres sont à parcourir souvent par les femmes sur des sentiers à peine praticables pour s’offrir les prestations de contraception. Dans les villages de Toffo, département de l’Atlantique,  cette difficulté est résorbée grâce aux services de proximité offerts aux populations à travers une synergie d’actions entre relais communautaires et agents de santé. Enquête à la découverte d’une approche à promouvoir pour la prise en compte des besoins de Planning Familial des communautés rurales.

Dorice DJETON GOUDOU

Akpè, un village de la commune de Toffo, située dans le département de l’Atlantique au sud du Bénin. Nous sommes à environs 80 km de Cotonou, la capitale économique, 12 kilomètres du centre de santé de Toffo et 8 kilomètres de celui de l’arrondissement de Houègbo. Des distances pas aisées à parcourir pour des femmes vivant avec leurs conjoints surtout lorsqu’il s’agit d’avoir accès aux structures sanitaires en matière d’adoption de méthodes contraceptives. « Se rendre à la maternité, c’est la croix et la bannière. Il faut un long trajet. Et je n’obtiens pas toujours la permission de mon mari s’il n’y a rien d’urgent. Alors qu’il me faut renouveler ma contraception, confie maman Léila, 34 ans révolus et vendeuse d’Akassa. Son témoignage lève un coin de voile sur la réalité que vivent les femmes dans ce village qui n’abrite aucune structure sanitaire. Heureusement, des relais communautaires existent pour les soulager. Charlotte Ahotonnagnon en fait partie. Teint noir, taille courte, elle est membre du Groupe d’Assistance pour la Nutrition et animatrice communautaire pour la Planification Familiale à domicile.

Nous  l’avons rencontré au petit matin du 13 septembre sous une fine pluie. Formée par une Organisation de la Société Civile et mandatée par le centre de santé de l’arrondissement de Houègbo, dans la commune de Toffo, elle abat un travail remarque. La quarantaine, Charlotte Ahotonnagnon représente l’espoir de plusieurs femmes qui ne sont plus obligées de parcourir des kilomètres avant de s’informer, de choisir d’adopter ou de renouveler une méthode de planification. Elle s’exprime : « En raison du tabou qui entoure encore la contraception, nous y allons en douceur. Pour les femmes acquises à notre cause, nous leur expliquons les différentes  méthodes qui existent et elles font délibérément leur choix. Les dames de ce village qui ont compris les bienfaits de l’espacement des naissances, préfèrent Sayana press, une nouvelle formulation du contraceptif injectable, et rarement des pilules à avaler ». Elles estiment que, Sayana c’est discret et ne nécessite pas d’effort quotidien. En ce qui concerne les pilules, elles pensent que cela risque d’attiser des disputes inutiles ou d’éveiller les soupçons de leurs conjoints encore réticents dans la majorité des cas. Une tendance confirmée par Monsieur Tossèho Louis, animateur communautaire dans une localité riveraine au village Akpè.

Une séance de sensibilisation sur la nutrition et la planification familiale

Une approche qui s’adapte aux réalités…

Allègement des distances, mobilisation d’un grand nombre de femmes, partage d’information dans une ambiance  conviviale, sensibilisation sur des préoccupations connexes, implication d’acteurs locaux favorables à l’adoption de la Planification Familiale: tel est le package des services de proximité en matière de soins de santé pour l’adoption du planning familial en communauté. A l’œuvre dans les villages de Toffo, des animatrices, des relais communautaires et agents de changement. Avec leur moto ou même à pied, ils sillonnent les hameaux à la rencontre des femmes. Soit pour les sensibiliser, soit pour un suivi ou encore pour dissiper des inquiétudes relatives aux rumeurs sur les effets secondaires des contraceptifs.  Quelques-unes de ces femmes, curieuses, acceptent de venir vers elle. Mais parfois, Charlotte l’animatrice, les mobilise dans des espaces adaptés pour des causeries en groupes.

En effet, la présence d’animatrice communautaire, capable de répondre aux préoccupations des femmes en toute discrétion est un soulagement pour maman Sonia, agricultrice. La trentaine avec 3 enfants, elle estime que sans ces services de proximité qui incluent la Planification Familiale et le bien-être des femmes, son époux ne l’aurait jamais autorisé à parcourir des kilomètres pour se rendre périodiquement au centre de santé afin de choisir d’espacer les naissances. « L’animatrice fait des visites à domicile. Telles de vieilles amies qui échangent autour des situations de la vie, elle nous aide à comprendre les avantages de la contraception. Et quand on est convaincu, nous faisons notre choix sans tambours ni trompettes. Quand, il y a de nouveaux nés dans une maison, elle en profite pour sensibiliser sur  le respect des délais de vaccination et les soins en matière de nutrition pour le bien-être de la mère et de l’enfant », se réjouit la trentenaire. Un témoignage que confirme Monsieur Yéyé Adelphe, chef du village Akpè qui a déjà assisté aux causeries des femmes. « Cette approche qui débouche sur des sensibilisations sur la Planification familiale constitue une meilleure façon de recueillir l’adhésion des familles aux méthodes contraceptives en milieu rural. Une fois réunies, elles évoquent les questions de nutrition, de consultation prénatale pour les femmes enceintes et postnatales pour les nourrices avant d’aborder la nécessité d’espacer les naissances », apprécie l’autorité locale.

Cette méthode parait judicieuse aux yeux de Mme Sossou Agossadou Flora, Sage-femme d’Etat et responsable de la maternité de Houégbo. Elle salue d’ailleurs la qualité des actions de proximité malgré les moyens de bords. « La mobilisation des services de santé à travers les animatrices communautaires pour la fourniture de contraceptifs en dehors des établissements sanitaires est une approche pour éliminer les obstacles et les coûts indirects associés à l’accès  des femmes aux établissements de santé ». Elle reconnait cette synergie de travail avec les animateurs communautaires à qui le centre fournit les pilules et les produits de contraception injectables notamment Sayana. « Même si les actions de proximités paraissent fastidieuses pour les acteurs impliqués, elles permettent d’avoir des résultats conséquents », souligne la sage-femme.

Des poches de résistance subsistent…

En dépit des progrès réalisés grâce aux animateurs dans ces villages, des efforts restent à fournir en matière de planification familiale dans la commune de Toffo. Et pour cause, tous les couples, mieux toutes les familles n’ont pas encore adhéré à cet idéal d’espacement des naissances.  Les animateurs communautaires s’efforcent mais les pesanteurs socioculturelles ont la vie dure et les femmes qui ne reçoivent pas expressément l’approbation de leur époux, ploient encore sous le poids des naissances rapprochées. Pour nous en convaincre, l’un des animateurs communautaires nous embarque dans ses visites à domicile où nous faisons la connaissance de maman Jo. Ménagère, âgé de 26 ans, mais déjà 4 enfants et un 5ème en route au regard de son ventre bien arrondi.  Svelte, teint noir, le regard fuyant, cette mère de famille, deuxième épouse d’un conducteur de taxi moto, nous reçoit devant la porte de sa chambre et tente d’esquiver nos questions. Tellement elle  a été sensibilisée mais rien n’y fit. Même si elle peine à joindre les deux bouts avec ses enfants, tous encore en bas âge, elle ne compte pas s’arrêter avec la maternité. Elle a d’ailleurs exigé  la présence de sa belle-mère avant de se livrer à la conversation. « Si jamais j’adopte l’une de vos méthodes contraceptives et que mon mari me réclame d’autres enfants, que vais-je devenir », s’interroge la jeune dame  « Ma coépouse continuera à en faire et je serai la risée de la belle famille. J’ai toujours demandé à l’animatrice communautaire d’aller convaincre mon mari afin que de son propre chef, il m’amène au centre de santé afin de choisir lui même la méthode souhaité », renchérit-elle. Ce discours mêlé de réticence et teinté de craintes de représailles, montre à suffisance qu’il reste bien de chemins à parcourir pour lever les obstacles qui entravent le libre choix des femmes à planifier les naissances en milieu rural. Ces récits n’ont rien de  surprenant pour  la responsable de la maternité de Houégbo, Mme Sossou Agossadou.

Elle estime   que les populations du village Akpè ont toujours cette vieille conception de l’enfant qui est une richesse même si les parents n’ont pas les moyens de s’en occuper convenablement. Une dure réalité qui n’émousse guère l’ardeur  des agents communautaires qui font preuve d’écoute, d’endurance avec des moyens de bords. Dr Serge KITIHOUN, Directeur des services médicaux de l’Agence Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF) tout en évoquant les défis qui se posent en matière de PF en milieu rural rassure de la disponibilité de ses équipes à descendre dans les villages de Toffo avec des cliniques mobiles afin d’aider les acteurs communautaires à faire progresser les efforts en matière d’adoption de méthodes contraceptives. Ainsi, les femmes pourront bénéficier de prestations gratuites de services de gynécologiques tel le dépistage du cancer du col de l’utérus. 

Intensifier les services de PF conformément au PNDS

L’un des axes d’interventions du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) du Bénin couvrant la période 2018-2022 est l’intensification des services de la Planification Familiale. Le document met en exergue la nécessité pour les autorités sanitaires d’assurer la disponibilité des produits traceurs de la PF jusqu’au dernier niveau des prestations de services, de renforcer l’opérationnalisation du plan d’action budgétisé de PF et d’en assurer la gratuité de l’accès des jeunes et des femmes en âge de procréer. En effet, le PNDS du Bénin  se veut ambitieux et va bien au-delà des services de PF et couvre le champ du renforcement du financement du volet santé communautaire.

Il s’agit de mettre en place un mécanisme de fonds affectés aux communes pour la mise en œuvre de la santé communautaire, de renforcer les capacités des parties prenantes pour une gouvernance efficiente des ressources du programme, de promouvoir le leadership des conseils communaux pour le partenariat local en santé, de développer des actions en faveur de la mise en place d’un mécanisme responsable de veille citoyenne. C’est ce qui se traduit par la présence des relais communautaires dans les villages de Toffo. A ce titre, le chef du village  Akpè reconnait les efforts en matière de PF dans sa localité mais tire la sonnette d’alarme sur l’appui des autorités en charge de la santé pour le respect des engagements et la nécessité de doter les structures décentralisées et les relais communautaires de moyens pour plus d’impact.

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