La République indienne envisage changer de nom …
septembre 8, 2023
Une rumeur circule depuis quelques jours sur la toile après le post de l’invitation au G20 par l’Inde signée la « présidente du Bharat »
Le Premier ministre indien Narendra Modi a envoyé une salutation aux délégués après avoir pris la parole lors d’une session spéciale du Sommet B20 en amont du Sommet du G20 qui aura lieu en septembre, à New Delhi, Inde, dimanche 27 août 2023. — Manish Swarup/AP/SIPA
• Un carton d’invitation au G20 portait comme signature la « présidente du Bharat » est à base des rumeurs en Inde.
• Le pouvoir envisagerait de changer le nom du pays provoquant une large polémique.
• Cette éventuelle tentative de changement, si elle n’est pas par surprise, n’est pas uniquement symbolique mais réflecte des profondes divisions entre le sud et le nord du pays, selon Olivier Da Lage, spécialiste de l’Inde et chercheur associé à l’Iris.
C’est un petit bruit qui commence à faire trembler la toile particulièrement l’Inde.
Le terme polémique « présidente du Bharat » désigne l’Inde et privilégié par l’extrême droite nationaliste.
Les murmures affluent de tous les sens. Mais ce changement est loin d’être seulement symbolique, selon Olivier Da Lage, spécialiste de l’Inde et chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Peut-on prendre ces rumeurs au sérieux ?
La preuve qui atteste que ce n’est qu’un murmure qui court, c’est notamment à cause de la manière façon l’annonce a été dévoilée. Le désir le nom « Inde » par « Bharat » par le parti nationaliste au pouvoir, Bharatiya Janata Party (BJP), en signature d’une invitation pour un sommet international, n’est pas nouveau ni étonnant.
D’ailleurs, une session extraordinaire du Parlement a été convoqué par le gouvernement au plus tard dans le mois, tout en restant discret l’ordre de session.
Le mot « Bharat » est tiré des anciens textes hindous écrits en sanskrit. C’est l’un de ses deux noms officiels en vertu de sa Constitution, en opposition au terme « Inde », choisit par les colons britanniques. Il y a alors « une dimension idéologique » dans cette volonté de changer de nom puisque, depuis son accession au pouvoir, « Narendra Modi insiste pour enlever tout l’héritage de la colonisation anglaise de l’Inde », détaille Olivier Da Lage. Le gouvernement du Premier ministre s’est en effet faire de son mieux pour supprimer les symboles persistants de la colonisation britannique dans le paysage urbain, les institutions politiques et les livres d’histoire du pays. Narendra Modi lui-même recourt généralement quand il parle de l’Inde au mot « Bharat ».
Pourquoi ce changement de nom n’est pas seulement symbolique ?
« C’est un symbole qui a du contenu », synthétise Olivier Da Lage. Le sujet du nom du pays est étroitement lié à la question de la langue qui est « très polémique en Inde. » « Lors de l’écriture de la constitution, qui a duré trois ans, les discussions ont été interminables sur la langue du pays, aboutissant à deux langues officielles : l’anglais et l’hindi. Et c’est un débat qui revient régulièrement », déclare Olivier Da Lage.
Concernant le nom du pays, un compromis a été trouvé : « Il est écrit dans la constitution : “L’Inde, c’est-à-dire le Bharat, sera une Union d’États”. » Le mot, qui vient de l’hindi, est donc bien présent dans le premier article de la constitution indienne, c’est néanmoins le seul endroit où il apparaît. Le rendre officiel s’inscrirait alors dans un projet nationaliste d’unifier l’Inde sous son héritage sanskrit et religieux hindou. Autrement dit, c’est une hindouisation du pays, en écartant les minorités religieuses, comme les musulmans ou les chrétiens. « Il y a une réelle volonté unificatrice du parti au pouvoir qui se retrouve d’ailleurs dans l’un des slogans favoris : “One India” ». Mais cette unification effacerait l’identité de toute une partie du pays qui ne se reconnaît pas dans le sanskrit et ce qui en découle, dont le mot Bharat.
Pourquoi il peut être problématique ?
Si les deux termes peuvent être utilisés dans le langage courant, imposer « Bharat » comme dénomination officielle à toute la population serait donc éminemment clivant. Le sud du pays refuse en effet ce terme, comme il refuse que l’Hindi devienne la langue officielle car « ils n’ont rien à voir avec l’Hindi », explique Olivier Da Lage.
Démonstration que cette appellation sectionne le pays : une coalition de 26 partis d’opposition s’est formée en août avec les élections générales du printemps 2024 en ligne de mire et s’est baptisée « India », en confrontation avec le Bharatiya Janata Party. Ce refus du nom Bharat s’inscrit dans l’intention de sortir de « la domination de l’Inde du nord sur le sud » venant du système de castes, dont le sanskrit est l’un des outils.
Au-delà de l’Inde, le terme Bharat peut aussi devenir problématique pour ses voisins. Lors de l’inauguration du nouveau parlement en mai dernier, une fresque murale représentant « la grande Inde » a été dévoilée. Elle y englobe la Birmanie, le Népal, le Bangladesh, le Pakistan et une partie de l’Afghanistan. Alors, selon Olivier Da Lage, « le terme de Bharat ne se limite pas à une étiquette pour le nationalisme hindou, ça correspond à un projet qui est mené étape par étape depuis 2014, et à chaque étape, il va un peu plus loin ».
comment cette modification pourrait être mis en place?
Pour le rendre officiel et l’imposer à l’ensemble du pays, il faudrait modifier la constitution. L’élection du printemps 2024 pourrait être une occasion pour entamer la révision de la constitution. Au niveau international, le projet ne devrait pas rencontrer de contrainte particulier. De nombreux nations avant l’Inde ont déjà changer leurs noms, même si certains Etats ont de difficulté à imposer dans la langue courante leur nouvelle appellation.
Fernandez Lelou