Inclusion des filles par le numérique au Bénin : Des actions durables pour réduire les inégalités sociales

Inclusion des filles par le numérique au Bénin : Des actions durables pour réduire les inégalités sociales

mai 20, 2022 0 Par Dorice Djeton

Le numérique, identifié comme étant la quatrième révolution industrielle, est un pilier de transformation aussi bien individuel que collectif. Dans cette ère de mutations profondes, le Bénin à l’instar des pays en développement fait des progrès avec l’appui aussi bien des  Partenaires techniques  et financiers, du secteur privé mais aussi des Organisations non gouvernementale pour asseoir une société connectée et technologique. Mais la réalité en matière d’inclusion des jeunes notamment des filles laissent entrevoir des inégalités qui persistent malgré les efforts déployés. Un constat qui interpelle tous les acteurs de cet écosystème sur les leviers à actionner pour « ne laisser personne de côté »en l’occurrence les filles.

Dorice DJETON GOUDOU

« Gamessou »,  qui signifie : il est l’heure, il est temps.   C’est le nom que Gloria Saturine LAKOUSSAN, a donné à son blog.   « « Gamessou », parce qu’il est temps pour les filles de se faire entendre afin de participer pleinement à l’édification d’une société où leur voix compte, il est temps pour les filles d’agir pour leur bien-être», explique la jeune Bloggueuse. Psychologue de formation, Gloria dispose d’un blog grâce à l’initiative « Blogguer pour  les droits des filles »lancée dans le cadre de la campagne « Aux Filles l’Egalité » par Plan International Bénin. L’enthousiasme avec lequel,elle   partage l’expérience qu’elle a acquise grâce à ce projet,  montre à suffisance l’impact et le déclic que cela a créé en elle.  « Le blog me permet de traiter des sujets qui me passionnent, de partager avec ma communauté en ligne ma position sur les thématiques telles que l’inclusion du genre, l’égalité  des sexes, l’éducation des filles et des  enfants. La particularité d’un blog est qu’il permet d’atteindre  des milliers de personnes au-delà du cadre de vie immédiat. Cette plateforme donne une certaine  ouverture sur le monde»,  confie-t-elle.

 Comme cette jeune fille, beaucoup d’autres ont vu leurs capacités renforcées et  ont pu prendre leur envol grâce aux actions de Plan International Bénin. Nous pouvons évoquer le cas de Chanceline MEVOWANOU, activiste pour la promotion des droits des  filles et des femmes, Cynthia HEDJI, Rédactrice Web qui tient le blog « Mum et celibataire » afin de montrer à la société qu’être  mère célibataire ne doit pas freiner les femmes encore moins les filles dans l’accomplissement de leurs rêves. Florida HOUNNOU, animatrice communautaire, pour avoir travaillé sur la campagne « Aux filles l’égalité » dans  le département de l’Ouémé s’estime chanceuse : «Cette expérience  m’a permis de renforcer  mes capacités et de mieux cerner  la notion d’égalité entre fille et garçon afin de mieux lutter contre les discriminations ». C’est dire qu’au Bénin, il existe des actions en faveur de l’inclusion numérique pour  propulser les filles à concrétiser leurs rêves. Et parmi  les acteurs, Plan International Bénin s’illustre  et se positionne aussi bien en milieu urbain que rural. Mais à côté de ces expériences heureuses, d’autres filles aux quatre coins du pays attendent et espèrent certainement des actions en leur faveur.  C’est le cas par exemple  de Bernice A., élève en classe de troisième et âgée de 15 ans. Nous l’avons rencontré à Abomey-Calavi, l’une des communes à statut particulier du Bénin. Elle a laissé entendre : « J’ai souhaité pendant les vacances dernières me faire former en informatique de base et découvrir si possible  les métiers du numérique mais je n’ai pas pu le réaliser faute de moyen ou d’opportunité. J’espère y arriver sous peu ». Un témoignage qui confirme que des efforts restent à fournir pour l’accès des filles au numérique.

L’inclusion numérique en question

Quand on regarde la stratégie nationale française qui est spécifique à l’inclusion numérique, elle vise à revoir l’accompagnement vers l’autonomisation des personnes en difficulté, pour les outiller à soutenir le déploiement d’action locale afin de leur permettre d’avoir l’efficacité nécessaire pour intégrer l’environnement numérique. Kossi AMESSINOU, Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication et Gestionnaire de projets numériques territoriaux,  explique : « Quand on se réfère aux  travauxscientifiques, déjà en 2005, le groupe d’experts de l’Union Européenne sur la question de l’inclusion numérique, observait l’inclusion numérique comme une E-Inclusion et l’a définit comme étant l’inclusion sociale et économique dans une société de la connaissance. Alors que le Conseil National du Numérique en France par exemple voit l’inclusion numérique comme une inclusion sociale dans la société et une inclusion dans l’économie ». Nous sommes donc en présence de deux éléments quand on évoque cette notion.  Il s’agit de la nécessité de réduire les inégalités qui existent et de favoriser les inclusions sociales en utilisant le numérique comme étant le canal ou un outil.  Selon l’UNESCO, la  surveillance accrue, l’exploitation et le profilage des données, le biais algorithmique et la prise automatisée de décisions sont autant d’enjeux qui représentent de nouveaux risques pour les droits à la vie privée et la non-discrimination. En outre, le fossé qui existe au sein même des pays et entre eux en matière de compétences numériques et d’accessibilité accroît les inégalités sociales, économiques et de genre, existantes.  Et quand on se tourne vers les filles, ce fossé se creuse davantage alors que les technologies numériques et l’innovation sont de plus en plus essentielles au développement humain et à l’édification de sociétés du savoir inclusives.

L’inclusion numérique, un défi multisectoriel…

L’éducation, le Génie Logiciel, l’Intelligence Artificielle, la robotique, la greentech, la fintech constituent autant de secteurs d’activité dans lesquels il faudra investir pour l’inclusion numérique des filles selon Rachael Orumor, entrepreneuse technologique, ingénieur en développement de logiciel et fondatrice de Fem Coders Robotics. Depuis l’avènement du gouvernement de la Rupture, le  Bénin affiche fièrement ses ambitions en matière d’économie numérique avec pour  ambition « d’utiliser les TICs comme catalyseur de dynamique économique et de modernisation du Bénin pour l’accélération de la croissance économique et l’inclusion sociale ».  L’enjeu à moyen terme étant de faire du pays, une plateforme de services numériques pour toute l’Afrique de l’Ouest. Mais les efforts pour l’inclusion numérique à l’endroit des filles restent mitigés.  En effet, l’inclusion numérique vient comme un outil d’accompagnement de la dynamique d’un gouvernement, du secteur privé, de la société civile à faire en sorte que le numérique soit un outil d’accès au savoir pour tous les besoins de  la fille. Ainsi, pour contribuer à réduire des inégalités sociales, avant même qu’on aborde la notion d’inclusion numérique au sens formel du thème,  il faut penser  à l’inclusion énergétique, estime le président  de l’ONG  ‘’Women be free’’, qui œuvre pour l’inclusion numérique et  la promotion des technologies au profit des femmes et des filles. Pour Dr Kossi  AMESSINOU, il faut que la disponibilité de l’énergie soit une réalité avant d’envisager la disponibilité de la technologie en elle-même. « Si on n’a pas d’énergie dans un environnement, il n’est pas évident d’avoir l’inclusion technologique, ni  l’inclusion numérique au sens restreint, encore moins  l’inclusion monétaire. Et donc si on croit nécessaire de  s’appesantir sur le numérique  pour qu’il y est réduction des inégalités sociales, nous devions nous garder dans une posture d’accompagnement et travailler sur plusieurs plans ».

Les leviers à actionner…

En matière d’inclusion numérique en faveur des filles au Bénin, une synergie d’action s’impose au regard des disparités.  Et les responsabilités incombent à toutes les structures qui se sentent concernées. Vivien ASSANGBE WOTTO, Président du Forum de la Gouvernance de l’Internet (FGI), rappelle le rôle  et l’accompagnement des décideurs et gouvernants à une éducation des filles à l’usage et outils  numériques à la base. Il précise qu’« Il faut des actions concertées avec l’implication des pouvoirs politiques à travers la sensibilisation des filles sur les biens et méfaits du numérique, l’orientation de la formation académique et universitaire  sur le système numérique, de la mise en place d’un système de challenge pour évaluer le niveau des femmes afin qu’elles servent de modèles et inspirer les filles ». La fondatrice de  FemCodersRobotics,   décline les leviers à actionner par les pouvoirs publiques comme suit : rendre disponible l’accès à internet et ses ressources essentielles aux ONG et aux structures  promouvant l’éducation des filles, lancer les campagnes de sensibilisation sur l’importance de l’inclusion des filles et des femmes dans le secteur numérique. Elle recommande aussi de disposer d’indicateurs adaptés à l’état actuel des sociétés numériques et des nouveaux objectifs d’e-inclusion des filles. L’entrepreneuse technologique conseille pour finir de s’appuyer sur le numérique pour renforcer le pouvoir d’action des femmes et des filles comme par exemple les applications sur le droit des femmes, des filles et des enfants et créer des lois qui favorisent l’entreprenariat dans le secteur numérique par des filles et femmes.

Pour Ariane ADJOLOHOUN, Technicienne Supérieure de l’action sociale et spécialiste des questions de genre,  une fille qui est au contact du numérique judicieusement utilisé peut apprendre énormément de choses. « Déjà sur le plan scolaire, elle peut facilement effectuer des recherches. Le numérique étant un véritable outil d’acquisition de connaissance technique mais également d’ouverture sur le monde. Je reste convaincue que le numérique à la portée d’une fille de nos jours, c’est la possibilité pour elle de faire naître et de faire accroître son leadership. A travers  cette technologie, elle a accès à des informations qui fouettent son  désir de grandir, d’accomplir ses rêves », souligne t-elle.

Le Docteur Kossi AMESSINOU pour sa part pense qu’il faut  donner en priorité la chance à la fille d’aller à l’école dans un environnement où l’énergie est disponible. Quand elle est disponible et que la gent féminine à la chance d’avoir accès à un  téléphone intelligent à défaut d’avoir un ordinateur, elle peut faire des recherches pour améliorer son niveau de savoir sur la base des informations initiales qui sont données par l’enseignant aussi bien au primaire, au secondaire qu’à l’Université.  «N’oublions pas que nous sommes dans la société du savoir qui implique la disponibilité des données exploitables  pour tous les usages. Et c’est à cette seule condition que nous pouvons décupler le potentiel des filles», martèle Dr AMESSINOU. Cependant, il faudra que l’on prenne garde à ce que le numérique soit utilisé à bon escient car qui dit connaissance dit aussi mauvaise information et pratiques déviantes.Il revient donc aux parents de jouer également leur partition en veillant à ce que les filles puissent utiliser de façon positive le numérique.

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