Travailleuses migrantes au Bénin : une main-d’œuvre à valoriser pour un changement de narratif

Travailleuses migrantes au Bénin : une main-d’œuvre à valoriser pour un changement de narratif

octobre 7, 2024 0 Par Le pouce

Venues de divers pays, avec différents profils et de multiples attentes, les femmes migrantes contribuent pour beaucoup au développement socio-économique des pays d’accueil. Au-delà des stéréotypes qui peignent en noir le sort de la plupart d’entre elles, il en existe qui parviennent à se frayer un chemin sur le marché de l’emploi et atteignent leurs objectifs.

Dorice DJETON

 

Production de l' huile de palme, une activité rentable pour une migrante
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Production de l’ huile de palme, une activité rentable pour une migrante

Alimata Djabilé, la quarantaine est migrante au Bénin. Partie de son pays, la guinée Conakry à la suite d’épreuves familiales, elle a atterri au Niger puis au Bénin quelques mois plus tard. Nous l’avons rencontré à Idignin dans le département du plateau grâce à l’un de ses collaborateurs. Devenue grossiste dans le commerce d’huile de palme, cette migrante est arrivée à se faire une place dans ce business. « J’ai connu quelques difficultés au début mais je peux me frotter les mains aujourd’hui grâce à cette Activité Génératrice de Revenus (AGR) », explique cette quarantenaire. « Aujourd’hui, je travaille avec une dizaine de personne dans la chaine de distribution d’huile de palme, un commerce florissant », renchérit-elle.  Ce témoignage contraste avec les récits négatifs sur les réalités que vivent les femmes migrantes. Et pourtant, il existe au-delà des clichés, des migrantes qui dans leur aventure, travaillent dans des conditions décentes et parviennent à se réaliser. Originaire du Togo, la trentaine et titulaire d’un BTS en Marketing et action commerciale, Dame Valerie T, s’est installée au Bénin depuis sept ans et travaille dans une structure d’infographie et d’imprimerie. « Je fais partie des femmes migrantes qui travaillent sans difficultés depuis que je suis arrivée.  Plus de 5 ans déjà que je me suis insérée sur le plan professionnel », se réjouit-elle.

Selon l’OIM, la migration de main-d’œuvre se définit comme le mouvement de personnes depuis leur pays d’origine vers un autre pays dans le but d’y obtenir un emploi. À l’heure actuelle, le nombre de personnes travaillant dans un pays autre que leur pays d’origine ne cesse de s’accroitre.

En 2019, l’OIT estimait à 169 millions le nombre de travailleurs migrants internationaux dans le monde, soit près de 5 % de la population active mondiale. Les femmes représentaient environ 42 % d’entre eux. « Rappelons que ces dernières années, la migration a pris un visage assez féminin », a mentionné Miguel Houéto, Juriste et activiste des droits des femmes.

 

La contribution de la Plateforme Multi-acteurs de la Migration au Bénin…

Créée en 2019 grâce à la Fondation Friedrich Hebert, la Plateforme Multi-acteurs de la Migration au Bénin (PMB), est composée, d’ONGs, de praticiens du droit, de chercheurs, d’organisations syndicales dont la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin)  et autres spécialistes. « Elle sert et défend la cause des migrants, notamment des travailleurs migrants », confie Miguel Houéto, membre active de la PMB. En effet, dès sa création, la PMB a conçu le Guide d’accueil, d’installation et d’assistance aux migrants en République du Bénin.

« La Plateforme Multi-acteurs de la Migration au Bénin (PMB) est née pour insuffler une nouvelle dynamique à l’action des organisations sociales béninoises en faveur de la problématique migratoire… », selon le mot du coordonnateur Anselme Amoussou. L’PMB, a aussi édité un livre intitulé ‘’ Voix des travailleuses migrantes au Bénin’’, un recueil de témoignages de femmes migrantes béninoises qui ont partagé leur vécu à travers des témoignages poignants. Ce réseau a également l’ambition de créer et de maintenir une proximité et une solidarité avec les travailleurs migrants surtout ceux de la communauté ouest-africaine pour une meilleure intégration et un plein épanouissement.

 

Quid de l’arsenal juridique de protection des migrants au Bénin…

Il faut reconnaître que le Bénin dispose d’un cadre législatif appréciable en ce qui concerne la protection des droits des migrants. Et cette protection ne s’arrête pas seulement à une protection législative, c’est-à-dire à la prise de loi. Cette protection est aussi institutionnelle.

« L’acte uniforme OHADA, en l’occurrence l’acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales permet même aux migrants qui s’établissent au Bénin de créer une entreprise et d’exercer sans aucun problème. C’est pourquoi l’on constate aussi que les Nigérians, Libanais et les Nigériens ont des entreprises au Bénin et exercent légalement leurs activités », souligne Fiacre Avlessi, spécialiste du droit de la nationalité et chargé de projet au Groupe de Recherche sur la Nationalité, les Migrations et l’Apatridie (GReNAM).

Mieux, la loi n°86-12 du 26 février 1986 portant régime des étrangers en République du Bénin, permet aux étrangers, migrants d’avoir leur carte de séjour censée leur favoriser la circulation et favoriser davantage l’exercice de leur activité professionnelle en République du Bénin.

Aussi, le Bénin a ratifié en 2018 la convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Au plan régional, le Bénin a ratifié la charte africaine des Droits de l’Homme et cette charte, consacres-en son article 12, la libre circulation des personnes et même des biens. « L’originalité, c’est que le Bénin a intégré cette charte à sa constitution », rappelle le spécialiste du droit de la nationalité.

 

Organisation Internationale pour les Migrations - OIM

Organisation Internationale pour les Migrations – OIM

Pour un changement de narratif…

L’approche de l’OIM en matière de migration internationale de main-d’œuvre consiste à favoriser les synergies entre la migration de main-d’œuvre et le développement, et à promouvoir les voies légales de migration de main-d’œuvre comme alternative à la migration irrégulière. Mais des défis persistent en ce qui concerne les femmes migrantes. Miguel Houéto, juriste et défenseure des droits des femmes estime que : « l’amélioration de l’insertion professionnelle des femmes migrantes est tributaire de la flexibilité des entreprises et de l’application des textes communautaires par les Etats notamment de l’article 2 du Protocole A/P1/5/79 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement qui dispose en ses principes généraux qui stipule que “les citoyens de la Communauté ont le droit d’entrer, de réaliser et de s’établir sur le territoire des Etats membres …” ».

Il est donc impérieux d’agir davantage pour un changement de narratif sur la situation des droits des personnes migrantes au Bénin. Pour le chargé de projet de du GReNAM, Fiacre Avléssi, il faudra à travers la production de contenus novateurs, donner la parole à celles qui à la recherche du mieux-être, ont connu le succès dans leur aventure afin qu’elles racontent elles-mêmes les réalités, les stratégies et les exploits. Il faudra aussi associer des blogueurs et journalistes qui peuvent être sensibilisés pour raconter des histoires authentiques et non des récits effrayants. C’est ainsi que l’on peut changer progressivement de récits autour des questions migratoires notamment de la migration de main-d’œuvre.

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